C-E. Dupont – TEDx
J’ai eu le plaisir de découvrir une récente vidéo de la conférence TEDX donnée par Charles-Etienne Dupont à Clermont-Ferrand, intitulée « Mon horizon, c’est le siècle« .
Plaisir double, en premier lieu parce que c’est une personne que j’ai beaucoup appréciée lorsque j’ai fait sa connaissance il y a plusieurs années en travaillant pour la gestion durable des forêts d’Auvergne.
Et en second lieu car, au-delà d’un exposé que je trouve magistral et qui transmet l’amour de la forêt, j’ai retrouvé à travers ses mots une de mes motivations fondamentales qui m’ont amené à la forêt : agir maintenant tout en pensant « long terme », dans un système complexe et mouvant. Un réflexe qui amène, lorsque l’on prépare une action maintenant, à anticiper quelles en seront aussi ses conséquences par exemple économiques et écologiques, dans 5 ans, dix ans, cinquante ans ou un siècle selon les sujets.
D’aucuns diront… pourquoi se préoccuper d’avenir lointain puisqu’il y a tant d’impondérables ? Et il est certain que beaucoup de choses peuvent se produire en 20 ans pour une forêt, ou en 5 ans pour une entreprise.
Pourtant, l’impondérable doit-il nous exonérer de notre responsabilité d’acteur ou de décideur ? Beaucoup de nos actions, en tant qu’acteur économique, peuvent avoir des conséquences immédiates, ou tout au moins à court terme et c’est en général ce que nous visons dans la sphère économique : quelle action maintenant, pour quel bénéfice ?
Mais lorsqu’on a le choix entre agir d’une façon ou d’une autre, notre responsabilité est (ou devrait être) de prendre en compte les impacts à long-terme. Et entre un impact lointain plutôt positif, et un impact lointain plutôt négatif (sur plusieurs critères), choisissons la meilleure voie.
Parfois le choix est plus subtil, certains peuvent être tentés de choisir le plus rentable (ou le plus satisfaisant, ou le plus rapide) immédiatement… quitte à créer un problème plus tard.
Mais anticiper permet aussi de faire par exemple des économies de temps, d’énergie, d’argent. En effet, il faut généralement bien plus d’efforts pour résoudre une difficulté lorsqu’elle se présente qu’il n’en faut pour la résoudre alors qu’elle est encore lointaine. Les exemples autour de nous abondent, dans tous les domaines : humains (sociaux), économiques, écologiques.
Pour prendre un exemple trivial, choisir de réaliser une coupe rase peut se défendre sur un plan économique immédiat pour l’entreprise (plus gros volume, meilleure rentabilité, le cas échéant possibilité de « vendre » ensuite un reboisement…) et parfois technique voire écologique (pessière dépérissante plantée à 10000t/ha jamais éclaircie en 70 ans). Mais si on a le choix, mieux vaut aussi évaluer en conscience l’impact économique pour le propriétaire à moyen terme, ainsi que l’impact sur le sol et son fonctionnement, sur la biodiversité, sur les dynamiques végétales et forestières… : des éléments nombreux et complexes dont la prise en compte sur le long-terme est peut-être une des plus grande plus-value que peut apporter un Forestier. Faut-il vraiment couper à blanc pour maximiser les recettes, si la conséquence en est une remontée de plan d’eau et un blocage des dynamiques que l’on sera ensuite tenté de décoincer à grands frais ?
Mais anticiper ce n’est pas seulement prendre en compte les impacts futurs, ou résoudre les problèmes pendant qu’ils sont plus facilement contrôlables, ce peut être aussi choisir maintenant l’action qui laissera le plus de portes ouvertes dans le futur.
Etre un « bon forestier », ce n’est pas seulement maîtriser des techniques. C’est aussi avoir l’art de peser ses décisions actuelles et l’ensemble de leurs conséquences économiques et écologiques aussi bien à court qu’à long-terme, avec humilité mais responsabilité. Ne devrait-on d’ailleurs pas exiger cela aussi de tout élu ?
Voici l’intervention, en seulement 9 minutes et avec de belles images :